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Le concept de préférence directionnelle : pourquoi doit-il intéresser les chiropracteurs ?

Dernière mise à jour : 14 févr. 2022

Le concept de préférence directionnelle est une avancée importante dans l’examen et le traitement des patients souffrants de rachialgies mécaniques non spécifiques. La SoFEC vous propose de vous poser les bases de ce concept facilement applicable à la chiropraxie, une thérapie manuelle.


Le concept de préférence directionnelle


Les douleurs lombaires sont extrêmement fréquentes dans la population générale, de l’adolescence aux personnes âgées [1]. Pour la grande majorité de ces personnes, ces douleurs sont dites non-spécifiques, c'est-à-dire que l'on ne peut pas identifier de manière certaine une cause structurelle aux douleurs lombaires.


Néanmoins, beaucoup de patients souffrant de lombalgies non-spécifiques présentent des caractéristiques communes :

  • Les douleurs ont un rythme mécanique : elles sont soulagées par la position allongée et aggravées par certaines positions ou mouvements.

  • On retrouve également des schémas typiques d’aggravation ou d’amélioration des douleurs. Par exemple, un grand nombre de ces patients sont intolérants à la flexion du tronc, c'est-à-dire que les douleurs seront aggravées par le fait de se pencher en avant, et/ou rester assis, et/ou se relever d’une position assise. À l’inverse, ces patients seront très souvent soulagés par la marche.

Tout se passe comme si la mise en charge du rachis dans certaines directions pouvait améliorer ou détériorer la présentation clinique du patient.


L’examen des amplitudes de mouvement du rachis fait partie d’un examen clinique classique du patient lombalgique. Typiquement, le chiropracteur analyse la quantité, la qualité de mouvement et la production de douleur en flexion, extension, inclinaison latérale et rotation. Mais que se passerait-il si on étudiait la répétition de ces mouvements pour mettre en charge de manière systématique le rachis lombaire ?


Cette question, le physiothérapeute Néozélandais Robin McKenzie se l’ai posée dès les années 60. La constatation fortuite d’un patient souffrant de lombosciatique positionné par erreur en hyperlordose et qui a vu sa présentation clinique s'améliorer l’a amené à réfléchir à cette idée de mise en charge du rachis par des mouvements répétés ou des positions systématiques.


En examinant attentivement ses patients lombalgiques par des mouvements répétés, il a constaté plusieurs choses :

  • Tout d’abord, qu’il est important d’analyser et de noter des éléments de comparaison objectifs avant et après la mise en charge du rachis : la présentation symptomatique (l’intensité et la topographie des douleurs) et la présentation mécanique (les amplitudes de mouvement debout).

  • Ensuite, qu’il est préférable d'examiner l’effet des mouvements répétés en décharge, c’est à dire en procubitus ou en décubitus, et qu’il faut bien distinguer les douleurs produites pendant les mouvements répétés et les douleurs présentent après, lors du réexamen.

  • De plus, qu’il est capital d’amener les patients de manière progressive en fin d’amplitude de mouvement, et que certains patients ont besoin de plus de force que les simples mouvements répétés pour voir leur présentation clinique s’améliorer.

  • Enfin, qu’un grand nombre de patients répondent de la même façon à certains mouvements répétés, notamment, que l’extension répétée en décharge est le mouvement qui améliore le plus souvent la présentation symptomatique et mécanique des patients.

Cette méthode d’examen permet donc d'identifier des sous-groupes de patients qui répondent de façon identique à une mise en charge systématique en fin d’amplitude articulaire (Movement-based classification).


Ces constatations ont amené Robin McKenzie à proposer le concept de préférence directionnelle (PD) : c’est la direction qui diminue, abolie et/ou centralise les douleurs du patient et également qui augmente la quantité et qualité des amplitudes de mouvement. La centralisation est définie comme une diminution des douleurs les plus distales dans un membre au profit d’une douleur rachidienne (la douleur remonte vers la colonne vertébrale).


Depuis ces débuts, cette méthode d’examen a été largement étudiée et a montré une bonne reproductibilité inter-examinateur [2]. Aussi, le concept de préférence directionnelle a donné lieu à de nombreuses publications. Notamment, une revue systématique a montré qu’il est possible d’identifier une préférence directionnelle chez 70% des patients lombalgiques aigus/subaigus et chez 52% des chroniques [3]. La PD peut être en extension, en flexion, et inclinaison laterale, en rotation.


En quoi ce concept est-il important pour les chiropracteurs ?


Premièrement, les études internationales sur les motifs de consultations des chiropracteurs montrent que 72% des patients consultant un chiropracteur le font pour une douleur rachidienne [4]. Il semble donc important que les chiropracteurs soient à la pointe des méthodes valides et fiables d’examen du rachis et des techniques thérapeutiques efficaces.


Deuxièmement, nous avons vu que pour certains patients, une mise en charge forcée était nécessaire pour enclencher une amélioration clinique. Or, la manipulation vertébrale est en fait une mise en charge forcée et rapide en fin d’amplitude de mouvement articulaire. Dès lors, intégrer le concept de préférence directionnelle dans la prise de décision de la direction de manipulation vertébrale nous paraît essentiel. D’autant plus que les méthodes de palpation pour décider de la région et de la direction de manipulation vertébrale sont peu fiables [5]. Par exemple, un patient ayant une PD en extension devra être manipulée en extension. L’ensemble des techniques thérapeutiques utilisées par les chiropracteurs (blocking, drop, technique de flexion-Distraction, Toggle recoil,...) peut beneficier de l’intégration du concept de PD.


Troisièmement, les dernières recommandations de bonnes pratiques sur la prise en charge des troubles musculo-squelettiques [6] ont mis l’accent sur l’importance de l'association de la thérapie manuelle avec la prescription d’exercices pour améliorer les résultats cliniques. Outre les effets physiologiques, les exercices vont permettre de rendre le patient actif dans sa prise en charge et favoriser une stratégie de coping active, c'est-à-dire de reprendre le contrôle sur son corps et ses douleurs. Cette dimension psychologique de la prise en charge est capitale pour améliorer la symptomatologie de nos patients, peut être même la plus importante. De ce point de vue, les exercices proposés sont généralement efficaces rapidement, cela va donc motiver le patient et lui permettre de tenir son engagement.


En conclusion, le concept de préférence directionnelle est une avancée importante dans l’examen et le traitement des patients souffrants de rachialgies mécaniques non spécifiques. Au-delà de l’histoire et des spécificités des professions prenant en charge ce type de patient, il nous paraît important de faire évoluer les pratiques en intégrant les nouvelles données scientifiques afin de servir au mieux nos patients.


Yannick AUDO

Chiropracteur

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Références

  1. Hartvigsen et al, What low back pain is and why we need to pay attention. Lancet 2018 Jun 9;391

  2. Garcia AN et al, Reliability of Mechanical Diagnosis and Therapy system in patients with spinal pain : A systematic review , J Orthop Sports Phys Ther, 48;12:923-933, 2018

  3. Aina A et al, The centralization phenomenon of spinal symptoms--a systematic review. Man Ther. 2004 Aug;9(3):134-43.

  4. Beliveau et al, The chiropractic profession: a scoping review of utilization rates, reasons for seeking care, patient profiles, and care provided Chiropr Man Therap. 2017 Nov 22;25:35

  5. Nolet et al, Reliability and validity of manual palpation for the assessment of patients with low back pain: a systematic and critical review. 2021 Aug 26;29(1) Chiropr Man Therap

  6. Lin et al, What does best practice care for musculoskeletal pain look like? Eleven consistent recommendations from high-quality clinical practice guidelines: systematic review. Br J Sports Med. 2020 Jan;54(2):79-86

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